Jillian, fleur en sang. [Terminée.]

- Maman! Maman! Allez maman, réveille toi!
La gamine commençait à pleurnicher devant le cadavre de sa jeune mère. Le blond de leurs cheveux à toutes les deux était sanguinolent. Jillian, fidèle à elle même, s'allumait négligemment une cigarette. Elle le faisait très calmement, comme toujours... Pourquoi ne devrait - elle pas être calme? Elle regardait la scène de son habituel regard vide, comme s'il ne s'était absolument rien passé. Une seule et unique chose lui occupait l'esprit, pour le moment : Qu'allait - elle faire maintenant?... Mais elle le savait déjà. Il fallait qu'elle termine son contrat, donc qu'elle tue la gamine. Question de principe, on l'avait payée, elle exécutait les ordres... En attendant la fin de sa cigarette, elle regardait la pauvre môme qui paniquait. La panique, jamais elle n'avait eu le plaisir de la connaître. Même quand elle vit son village en flammes... Jillian soupira, longuement. La gamine pleurait de plus en plus fort, de plus en plus désagréablement. Jillian commençait à en avoir marre, des pleurs, ça lui faisait mal aux tympans. Pour se détendre, elle tira lentement une taffe sur son tabac brûlant. Ca lui piquait la gorge, mais elle aimait ça.
- Maman! Allez, lève toi! Ouvre les yeux! Maman, maman! Y a du sang partout... Maman...
Jillian eut alors un petit sourire légèrement teinté de sadisme. Une sorte de petit rictus mauvais et malsain qui se mit à défigurer son tendre visage... Ca lui donnait une sombre luminosité... Une aura un peu plus noire que la moyenne. Ce que l'enfant disait était parfaitement vrai : il y avait du sang frais partout. Le sang épais de la mère qui avait giclé et éclaboussé les murs de la chambre rose. Et bientôt, il y aurait aussi celui de la fillette orpheline. Jillian avait été payée pour ça, alors elle obéissait, sans poser de question. Maintenant qu'elle se trouvait devant les corps encore chauds des deux femmes, elle réalisait que le client avait du être le père. Certainement que la femme désormais décédée était sa maîtresse et qu'elle l'avait menacé de tout dire à la femme. C'était toujours comme ça. Mais ça, ça ne la regardait pas. On la payait, elle tuait. Point barre. Ne pas poser de questions, ne pas s'intéresser aux cas des clients, ne pas essayer de jouer les juges... C'étaient les règles des Mercenaires. Mais pour le moment, elle fumait. Elle torturait la petite, moralement parlant, et elle faisait une pause syndicale. ( Qui a dit que les Mercenaire n'étaient pas syndiqués? uhuh) Cette scène, ça la replongeait dans des souvenirs assez peu agréables. Elle même avait déjà vécu une scène semblable, par le passé. C'était environ une dizaine d'années auparavant... Elle avait seulement quelques années de plus que l'enfant qui pleurnichait. Elle avait dix ans, et elle avait regardé le salon de la maison de sa grande famille, recouvert de sang brûlé, sans absolument rien ressentir. Le sang des membres de sa famille lui avait recouvert les mains, les joues, les vêtements. Elle n'avait pas pleuré, pas tiqué... Rien, aucune réaction... Elle n'avait absolument rien ressenti. Ils étaient morts, à quoi bon s'apitoyer sur leurs cadavres?... Et, chose étrange pour une gamine de son âge, elle avait préféré dénigrer sa famille plutôt que de les pleurer. Ils avaient été incapables de se défendre, ils étaient donc parfaitement inutiles, et elle n'avait pas à s'enchaîner à leurs souvenirs. Désormais, elle les avait presque totalement oubliés. Le massacre datait de tellement longtemps... C'était pendant le Grand Incendie. À cette époque, Eldior n'était pas encore là pour unir tout le monde... Oui, une éternelle guerre sanglante... Et elle était complexe, cette guerre. Voilà un rapide schéma de la situation de l'époque : les Centaures étaient en bisbille avec les Nains, les Nains étaient aussi alliés avec les Humains, les Humains étaient en guerre avec les Démons et alliés aux Anges, les Démons voulaient exterminer les Anges... Les Peuples des Mers se défendaient des attaques des Génies... Presque toutes les espèces voulaient tuer toutes les autres. Résultat des courses, Anialia, petite bourgade principalement peuplée par des humains, située dans une région montagneuse reculée, dans une clairière d'une forêt d'arbres gigantesques, avait été attaquée par les Minotaures. Ils avaient commencé à massacrer les habitants hommes du village. Ils avaient pour coutume de ne pas toucher aux femmes, ni aux enfants. Et là, les Centaures, fidèles alliés des Peuples des Mers, avaient décidé de tuer leurs lointains cousins à poils. Les Nains s'étaient joints aux Minotaures, pour taper sur leurs ennemis de toujours... Et le village commençait à être noyé sous le sang, les cadavres et les armes, les bras, les têtes, les yeux, les membres et les organes détachés de leur propriétaire... Le père de Jillian mourut à cette occasion; il voulait protéger sa famille : en vain. Toute la famille fut massacrée. D'abord les hommes, puis les petits garçons, les femmes... La dernière à être abattue fut la grande soeur de Jillian. Seize ans, bien foutue, les guerriers lui passèrent dessus à la file indienne... Et puis, les alliés, Anges - Humains, rentrèrent dans la bataille pour sauver les quelques maisons du village qui tenaient encore debout toutes seules... Mais en vain aussi... Ce fut à leur arrivée que le reste des habitants du village commença à être abattu. Et, comme pour mettre tout le monde d'accord, les Démons arrivèrent. Eux, ils eurent une solution efficace pour se débarrasser des combattants. Ils mirent le feu au village... C'était une solution efficace pour faire cramer tout le monde... Alliés, ennemis, neutres, maisons... Tout fut emporté par le brasier. En même temps, la Délégation des Jeunes Guerriers de Serayane rentrait chez eux. Ils avaient enfin leurs vacances. Elles ne duraient que deux semaines par an, ils comptaient en profiter... Seulement... Ils étaient six à venir d'Aliania - le groupe de six copains de maintenant - et six à trouver leur famille entièrement carbonisée... Et si Jillian n'eut aucun problème à surmonter la perte de sa famille, les autres en eurent énormément. Elle dut s'occuper d'eux et de leur peine. C'est à cette époque qu'elle se démarqua des autres Mercenaires par son attitude insensible. Loin d'être psychopathe, loin d'être morte, rien ne l'atteignait, tout lui passait par dessus le crâne. Cette nuit là, elle fit semblant de s'intéresser, pour la première fois, aux vies de ses amis. Enfin, elle les écoutait, mais ça ne l'intéressait pas. Elle s'en souvient encore... Elle les dorlota tous, un par un... Et les mômes en larmes se racontèrent leurs histoires.
- Je me souviens, moi, ma maman, elle m'embrassait le soir pour aller me coucher...
- Et moi, elle me racontait une histoire...
- Sa peau était si douce...
- Sa voix si rassurante...
Jillian écoutait sans rien dire. Ils se parlaient, sans s'écouter les uns, les autres. Chacun était choqué par le massacre qui venait d'avoir lieu. Et puis, Jillian remarqua que ses copains tremblotaient. Alors, en silence, et grâce à sa magie, elle fit du feu pour éclairer et réchauffer les cinq pleurnichards roulés en boule, en cercle. Elle fouilla les décombres d'une jolie maison, un peu moins détruite que les autres. Elle réussit à y trouver du tissus, qui leur servit de couvertures, ou de châles pour avoir chaud la nuit, elle se procura aussi quelques morceaux de pains carbonisés et de la viande pleine d'une épaisse poussière... Les autres enfants - plus âgés qu'elle de deux ans pour le plus jeune - ne mangèrent rien. Elle, elle se fit une orgie de viande froide, comme elle l'aimait. Elle ne leur dit rien, elle n'était pas très douée pour les remontage de moral, mais elle se chargea de tout. Elle alla chercher des renforts pour constater l'ampleur des dégâts. Les mômes furent ramenés à leur centre. Ils ne parlèrent pas pendant de longs mois. Et un jour, ses copains revinrent vers elle, et ils reprirent une vie normale. Elle devînt une Mercenaire reconnue, à quinze ans, grâce à son absence d'expression de sentiments, qui, disait - on, lui portait bonheur. Et soudain, une paire de mains l'attrapa par les bras et la secoua violemment. Ca se débattait, ça hurlait, ça gémissait, en fait : ça paniquait. Jillian fut brutalement tirée de sa rêverie. Et elle considéra la chose qui gesticulait devant elle. D'abord, elle vit des cheveux, ensuite elle entendit des pleurs cachés sous des cris. Ca aurait pu fendre le coeur de n'importe qui. Seulement, Jillian n'avait pas de coeur. C'était la gamine du contrat. Jillian tira une dernière taffe sur son bout de tabac presque entièrement consumé. Elle planta son regard dans celui de la pauvre môme. La fillette, voyant le regard calme, et mauvais de la Mercenaire n'eut pas vraiment le temps de réagir. Elle entrouvrit lentement la bouche, n'ayant pas le temps de crier, elle se recula d'un pas, n'ayant pas le temps de lâcher la criminelle. C'était trop tard pour elle. Mais Jillian avait envie de jouer.
- As - tu peur de la mort? lui susurra - t - elle de sa voix la plus douce et la plus flippante qu'elle put.
L'effet de cette question fut immédiat. La gamine essaya de se reculer le plus loin possible de la Mercenaire. Elle ne put pas aller bien loin, Jillian la tenait fermement. Et comme pour la terroriser un peu plus, Jillian resserra l'étau que sa main droite formait autour des poignets de la petite fille. Elle n'oubliait pas sa cigarette, qu'elle tenait toujours négligemment dans sa main gauche. Elle l'écrasa sur le visage de la mère morte. La gamine hurla, dépassant de loin la limite possible à atteindre au niveau des décibels. Jillian reprit la parole, toujours aussi blessante.
- On dirait que oui...
Elle marqua une courte pause, le temps de reprendre sa respiration et d'afficher son sourire le plus sadique.
- Il ne faut pas, il faut avoir peur de ce qui te tue...
Sous - entendu : tu devrais avoir peur de moi. Et pour une môme de huit ans, elle était plutôt futée. Elle le comprenait, le sous - entendu. Elle était littéralement terrorisée. C'était l'effet qui avait été souhaité, aussi. Alors, décrétant qu'il était temps d'arrêter de jouer, Jillian lâcha un des bras de la môme, et retourna celui qu'elle tenait encore. La gamine eut un long gémissement de douleur. Mais Jillian ne voulait pas obliger une fillette à voir la Mort en face. Par respect pour ce qui était arrivé à ses amis. Elle prit alors son épée, elle la colla sous la gorge de la fille, et trancha la chair avec violence. Les cervicales de l'enfant se brisèrent vivement. Et même si Jillian ne l'entendit pas, elle sentit les os craquer. Elle laissa alors tomber lourdement le cadavre encore chaud de la môme sur le corps froid de sa mère. Le sang pur de l'enfant innocente s'écoula extrêmement vite de la plaie, mais Jillian claquait déjà la porte. Elle avait déjà complètement oublié son double - meurtre. Comme tous ceux qui avaient eu lieu auparavant.

FICHE VALIDEE

je l'ai donc déplacées dans la partie adéquate et j'ai suprimé tous les posts jugés polluant, afin de conservé une fiche propre

Bienvenue à toi et à ta louve, Mercenaire